Vendu pour : 361 250 $

PROVENANCE
Collection de l’artiste, août - décembre 1969
André Emmerich Gallery, New York, décembre 1969 - 17 novembre 1971
Sigmund E. Edelstone, Chicago, 17 novembre 1971 - vers 1976
André Emmerich Gallery, New York, 1976 - novembre 1976
Downstairs Gallery, Edmonton, novembre 1976
Albert White Gallery, Toronto
Acquis auprès du susmentionné par une collection corporative, Toronto, 23 juin 1980
Art d’après-guerre et contemporain, Maison de vente aux enchères Heffel, 29 mai 2019, lot 44
Collection privée, Toronto

BIBLIOGRAPHIE
William Raiser et al., « The Quintessential Design for Art », Architectural Digest, vol. 28, no 6, mai - juin 1972, pages 12 à 23

Flip de Jack Bush donne une tournure positive à la série intitulée Spasm qu’il a entreprise quelques mois avant cette œuvre, soit au printemps 1969 lorsqu’il a reçu un diagnostic d’angine de poitrine, une maladie cardiaque qui provoquait chez lui des douleurs à la poitrine, ainsi qu’un rythme cardiaque irrégulier. Comme dans le cas des œuvres de la série Spasm, la composition de Flip est rythmée par une section de rayures de couleurs vives. Toutefois, au lieu d’une multitude de crochets en forme de boomerang, on remarque dans Flip un grand boomerang allongé de couleur rose pâle. La teinte discrète de cette forme s’harmonise bien avec le vert printanier tonique, mais ces deux tons doux ne laissent pas dominer par la brillance des couleurs primaires et de l’orangé. Le mariage du vert et du rose contribue également à créer une impression de vivacité, conformément au titre du tableau qui signifie entre autres « saut », « renversement » ou « flip-flap » en français. Une touche de blanc incongrue à l’extrémité droite de la forme arquée est une caractéristique unique qui met un terme à toute accusation éventuelle de suprématie du design sur l’art dans ce tableau.

Sur le plan temporel, Flip est aussi très proche des toutes premières peintures à fond tacheté intitulées Irish Rock #1 et Irish Rock #2, qui ont été réalisées en octobre de la même année. Pour ces deux tableaux, Bush a utilisé un rouleau et des peintures non mélangées pour obtenir un aspect texturé qui lui rappelait les rochers vus lors de ses voyages en Irlande. En observant de près, on constate que le fond vert clair de Flip est appliqué au rouleau. L’artiste a cherché à créer un ton uniforme sur la toile, un effet obtenu en appliquant la peinture avec tant de délicatesse et de régularité que l’on serait porté à croire que la toile a été colorée dans sa

La galerie André Emmerich a acquis Flip de l’artiste en 1969 puis, deux ans plus tard, l’a vendu à Sigmund E. Edelstone, un collectionneur d’art contemporain de Chicago qui a fait fortune en fondant Dupli-Color, l’entreprise qui vend de la peinture pour automobile true match (correspondance parfaite) pour les retouches sur les carrosseries à l’intention des bricoleurs. Le numéro de mai-juin 1972 du magazine Architectural Digest a consacré plusieurs pages à la passion d’Edelstone pour les correspondances parfaites, comme en témoigne le décor de son appartement, conçu sous la direction d’Arthur Elrod. Le tableau Flip de Bush était l’une des œuvres d’art choisies pour l’extraordinaire appartement d’Edelstone à Chicago, à côté d’œuvres de Mark Rothko, Helen Frankenthaler, David Smith, Hans Hofmann, Pablo Picasso, Alberto Giacometti et d’autres maîtres de l’art du vingtième siècle. Décrivant Edelstone comme « le perfectionniste des perfectionnistes », l’article de l’Architectural Digest précise que, dans la pure tradition des swinging seventies, « le dévouement du célibataire Edelstone à la perfection exclut la possibilité d’accueillir une femme sur les lieux. “Où la mettrais-je ? Où accrocherait-elle ses vêtements ? C’est un appartement de célibataire et je n’ai rien prévu pour une femme.” Cependant, toutes les dispositions ont été prises pour y exposer des œuvres d’art importantes. »

L’article poursuit en racontant qu’Edelstone montrait aux designers d’intérieur des photos des œuvres qui l’intéressaient et qu’il ne prenait aucune décision concernant l’aménagement d’une pièce tant qu’il n’avait pas choisi les œuvres d’art qu’il comptait acheter. Une esquisse de l’appartement d’Edelstone à Chicago, qui figure aujourd’hui dans la collection de l’Art Institute of Chicago, démontre la priorité qu’il accordait à l’art sur le design. On y voit les tableaux d’Hofmann fièrement accrochés, bien en vue, dans un salon moderne et relativement modeste. Elrod a expliqué que quand Edelstone achetait une œuvre, « il ne se contentait pas d’entrer dans une galerie et de dire “j’achète ça”. Il a étudié l’art et les artistes, et il a réfléchi à sa collection bien avant d’acheter son appartement. » Edelstone a même réussi à convaincre Robert Motherwell de réaliser un diptyque sur mesure pour suspendre devant une fenêtre. Il a accroché les deux parties à un système automatisé qui permettait de séparer ou de réunir les deux éléments en douceur. Il a fallu trois ans pour réaliser l’appartement Edelstone, qui a été inauguré en 1972. Flip de Bush a été peint en 1969, acquis par Edelstone en 1971 et finalement installé chez lui l’année suivante.

Nous remercions Sarah Stanners, directrice du catalogue raisonné de Jack Bush, qui a collaboré à la rétrospective Bush présentée au Musée des beaux-arts du Canada en 2014, et professeure adjointe au département d’histoire de l’art de l’Université de Toronto, qui a rédigé le texte ci-dessus.

Cette œuvre sera incluse dans l’ouvrage à paraître de Sarah Stanners, Jack Bush Paintings: A Catalogue Raisonné.

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens

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