LOT 016

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1923 - 2002
Canadien

Sans titre
huile sur toile, 1960
paraphé deux fois et au verso daté 1954 [sic] sur les étiquettes de la galerie
8 5/8 x 10 1/2 po, 21.9 x 26.7 cm

Estimation : 75 000 $ - 100 000 $ CAD

Vendu pour : 157 250 $

Exposition à :

PROVENANCE
Marlborough-Godard, Toronto
Art canadien, Joyner Fine Art, 24 novembre 1992, lot 79
Acquis du susmentionné par Kenneth R. Thomson, Toronto
A.K. Prakash and Associates Inc., Toronto, 2006
Masters Gallery Ltd., Calgary, 2007
Collection privée, Winnipeg
Collection privée

BIBLIOGRAPHIE
Riopelle : An Exhibition of Works from Private Calgary Collections, Masters Gallery, 2009, daté 1954, reproduit
Yseult Riopelle, Jean Paul Riopelle Catalogue Raisonné, addenda en ligne au Volume 3, 1960 - 1965, 2012, http://www.riopelle.ca

EXPOSITION
Ladies Committee sale of Contemporary Art, Toronto, #63
Masters Gallery, Calgary, Riopelle : An Exhibition Works from Private Calgary Collections, du 24 au 28 mars 2009
Glenbow Museum, Calgary, Riopelle : The Glory of Abstraction, du 15 mai au 2 août 2010


Un simple coup d’œil à ce tableau suffit pour comprendre qu’il s’agit d’une œuvre exceptionnelle. Plus libre que de nombreuses peintures de Jean Paul Riopelle des années 1950, cette œuvre sans titre dégage aisément une puissance équivalente à celle des célèbres « mosaïques » pour nous entraîner dans un réseau intense de formes et de couleurs. Ce petit tableau à l’impact considérable suggère que pour Riopelle, l’échelle d’une œuvre n’est pas proportionnelle à sa puissance, mais dépend plutôt de ce qu’il peut faire avec sa surface et de ce que ses gestes complexes impliquent à leur tour pour l’expérience du spectateur.

Sans titre est particulièrement libre et expansif. Lorsqu’il s’installe en France à la fin des années 1940, Riopelle est associé à André Breton, le « pape » du surréalisme. En 1966, un critique français évoque cette époque et écrit que « Riopelle travaille par crises, dans une sorte de fureur et d’élan hypnotique. » Lorsque, des décennies plus tard, on interroge l’artiste au sujet de ce commentaire, il exprime son désaccord : « Travailler par “crises” et par “fureur” ? À l’époque, ce n’était pas vraiment ma manière d’être. Faire vite et fort, c’était Georges Mathieu. Pas Riopelle. »[1] Sans titre a un pedigree surréaliste, mais c’est une peinture soigneusement travaillée.

La variété des applications de peinture et des teintes employées par Riopelle dans ce tableau est étonnante. Les pigments sont glissés les uns dans les autres en bas et en haut à droite, peut-être pour évoquer une page ou une couche détachée pour révéler en dessous une autre couche de peinture et de gestes. La même technique utilisée au centre gauche – dans ce cas avec du noir, du bleu et du blanc – produit un effet visuel différent en définissant une longue silhouette en forme d’éventail. Riopelle répète cet élément de son vocabulaire sur l’ensemble du tableau dans une gamme de teintes. Au centre de la partie inférieure, par contre, des formes blanches rectangulaires lâches sont relativement intactes, stables et plates. Le plus frappant, cependant, est la chorégraphie audacieuse que Riopelle crée avec des extrusions épaisses de matière jaune et rouge. La palette inhabituelle qu’il a choisie est également remarquable. À cette époque, le blanc a tendance à dominer son œuvre, mais ici, il mélange des bruns aux rouges, aux noirs et aux jaunes. Le brun peut-il être une couleur dynamique ? Aux mains de Riopelle, oui. C’est une combinaison inattendue et mémorable.

Ce Sans titre, comme toute l’œuvre de Riopelle des années 1960, cherche de nouvelles orientations dans le contexte de sa reconnaissance mondiale acquise à la suite de ses participations à la Biennale de São Paulo (1951 et 1955), à l’exposition Younger European Painters au musée Solomon R. Guggenheim Museum (1953) et à la Biennale de Venise (1954 et 1962). Dans les années 1960, il avait également réussi à se frayer un chemin dans les comparaisons interminables, mais pas toujours fructueuses, entre l’abstraction européenne et l’abstraction américaine des années 1950.

En fait, peu d’artistes canadiens, si ce n’est aucun, ont reçu des éloges aussi soutenus que Riopelle au cours de sa carrière prolifique et depuis sa mort en 2002. Il a connu un succès tant critique que commercial dans les expositions européennes et américaines, et auprès des marchands d’art à Paris, puis à New York. En conséquence, le nom de Riopelle a éclipsé celui de tous les autres artistes canadiens de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1960. À partir des années 1960, il passe plus de temps au Québec et finit par s’y réinstaller. À l’occasion du centenaire de sa naissance en 2023-2024, Riopelle demeure une figure marquante de l’École de Paris de l’après-guerre et est considéré comme un artiste majeur de l’abstraction lyrique française, du tachisme et de l’informel. Sans titre est un tableau international par excellence.

Nous remercions Mark A. Cheetham qui a rédigé l’essai ci-dessus. Cheetham est l’auteur de deux ouvrages sur l’art abstrait : The Rhetoric of Purity: Essentialist Theory and the Advent of Abstract Painting et Abstract Art Against Autonomy: Infection, Resistance, and Cure since the ‘60s. Il est professeur d’histoire de l’art à l’Université de Toronto, commissaire d’exposition indépendant et auteur en art.

1. Cité dans Gilbert Érouart, Entretiens avec Jean-Paul Riopelle; suivis de Fernand Seguin rencontre Jean-Paul Riopelle, Montréal, éditions Liber, coll. « De vive voix », 1993, p. 66-67.


Estimation : 75 000 $ - 100 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


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