LOT 028

CC QMG RCA
1904 - 1990
Canadien

La nuit des rois
huile sur toile
signé et daté 1973 et au verso titré
47 x 77 po, 119.4 x 195.6 cm

Estimation : 600 000 $ - 800 000 $ CAD

Vendu pour : 1 081 250 $

Exposition à : Heffel Toronto – 13 avenue Hazelton

PROVENANCE
Galerie Gilles Corbeil, Montréal, 1974
Margaret Carton, Montréal
Un cadeau à la famille de Margaret Carton, Toronto


En 1973, à la veille de ses soixante-dix ans, le peintre Jean Paul Lemieux poursuit une carrière remarquable dont le succès débordera sous peu les frontières canadiennes, grâce à une exposition rétrospective d’envergure, première vitrine sur son œuvre picturale (1953 à 1973) en URSS, en Tchécoslovaquie, en Belgique et en France.[1] Les impressions des visiteurs russes, consignées dans le livre d’or, offrent des témoignages vibrants sur la peinture du Canadien et sur l’universalité de son propos. Par exemple, l’un écrit: « Elle force à contempler en profondeur, à découvrir la pensée sous-jacente de chacune des toiles. C’est la peinture d’un penseur »; et un autre : « Ce n’est pas le Canada, ce sont les horizons mêmes de la conscience ».[2] Ces remarques en disent long sur le pouvoir d’évocation que dégage l’art de Jean Paul Lemieux auprès d’autres cultures que la sienne.

À coup sûr, nous pourrions les appliquer au sensationnel tableau La nuit des rois qui refait actuellement surface dans le marché de l’art canadien. L’œuvre a disparu de tout événement public après son acquisition, en 1974, à la Galerie Gilles Corbeil à Montréal.[3] Sensationnel non seulement en raison de son format, - l’un des plus grands réalisés par Lemieux en 1973 -, mais également pour l’effet percutant de son sujet qui inspire le peintre depuis 1956, la solitude humaine, une thématique qu’il explorera jusqu’à la fin de sa vie. Au début de sa période classique (1956-1970) et tout au long de sa période expressionniste (1970-1990), Lemieux évoque la solitude en associant paysage et personnage au corps tronqué par la bordure de la toile. En maintenant cette position de la figure dans la composition, le peintre crée l’illusion qu’elle traversera bientôt le cadre pour disparaître et céder l’espace entier à l’étendue de neige qui devient un véritable champ de force. C’est ce qui se passe dans La nuit des rois où on remarque, de plus, quelques faibles traits colorés suggérant au loin des habitations dans le désert blanc et lumineux de neige : une petite communauté en tension sur la ligne courbe de l’horizon terrestre. Basculera-t-elle dans l’immensité de la nuit, dans la profondeur de l’univers? La sonorité de ces minuscules touches contrastent avec la symphonie des étoiles qui scintillent dans la nuit.

Lemieux intitule son tableau en empruntant à William Shakespeare le titre de sa célèbre pièce de théâtre (Twelve Night). En procédant ainsi, il fait allusion bien sûr à la fête chrétienne de l’Épiphanie et à la visite des Rois mages, douze nuits après la naissance de Jésus. En outre, le peintre cite un de ses propres tableaux, Orion ( 1976, coll. particulière) en plaçant la constellation dans la partie droite du ciel, au-dessus du personnage. Dans La nuit des rois, on retrouve ainsi les trois étoiles alignées en diagonale d’Orion, surnommées « les trois rois ».

« Tout est espace, présence et sensibilité » dans l’œuvre de maturité de Lemieux. La nuit des rois est empreinte de cette réflexion tirée du film Tel qu’en Lemieux, produit et réalisé dans l’atelier du peintre à Québec, précisément en 1973.[4] La découverte de ce tableau magistral affine notre compréhension sur le passage que franchit le peintre dans sa démarche créatrice entre 1970 et 1975, à la fin de sa période classique et au début de sa période expressionniste.

1. L’exposition Jean Paul Lemieux a été organisée pour la France par le ministère des Affaires culturelles du Québec et présentée en URSS et en Tchécoslovaquie par le ministère des Affaires extérieures du Canada. Elle circulera en Russie et en Europe, de juillet 1974 à janvier 1975. Un catalogue de l’exposition est publié en français par l’Éditeur officiel du Québec, 1974.

2. Anonyme, « Les Russes ont bien apprécié les œuvres de J. Paul Lemieux, Le Quotidien, Chicoutimi, 6 février 1975. Anonyme, « Un maître québécois triomphe en Russie », Journal de Québec, Québec, 1er février 1975.

3. Cette vente est consignée dans la Liste des œuvres du peintre Jean Paul Lemieux [1965-1980], cahier manuscrit, Fonds Jean Paul Lemieux et Madeleine Des Rosiers, BANC, Ottawa.

4. Guy Robert dans Tel qu’en Lemieux, L’Office du film du Québec, 1973.


Estimation : 600 000 $ - 800 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


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